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Juillet 1974 - Douzième étape: Refuge Wallon - Barrage d'Ossoue
Je
suis le premier à quitter le refuge après avoir obligé la porte à
s'ouvrir. Dehors, il fait très frais et la brume tapisse les vallées.
Je
marche vivement pour me réchauffer. Dans le silence matinal, la montée
vers le lac d'Aratille ne manque pas de solennité. Tout est calme
autour de moi, les arbres paraissent endormis.
Brusquement,
je découvre le lac d'Aratille dont la beauté me coupe le souffle. D'un
bleu pâle, dans cette aube finissante, surmonté d'une légère écume de
brume, il est encore assoupi, et je ne serais pas surpris d'y voir
plonger quelque fée ou quelque lutin. Les fées tardant à se montrer, je
continue ma montée vers le col d'Aratille, que je cherche à localiser
dans une muraille estompée de brume. Le balisage supplée à mes carences
et bientôt je rejoins le col d'où partent des balises blanches et
rouges vers le col des Mulets. Le balisage est tellement énergique que
je me fais l'impression d'être un avion se préparant à se poser sur une
piste d'atterrissage, mais le terrain
caillouteux empêche ce rêve de prendre des ailes !
Au
col des Mulets, la descente vers le refuge des Oulettes est
saisissante. C'est une véritable plongée au cours de laquelle j'essaie
une timide glissade sur névé, une "ramasse", en m'équilibrant avec le
piolet.
Arrivé
sur le plateau des Oulettes, après avoir contemplé à loisir la
puissante muraille du Vignemale, je casse la croute près du torrent.
J'ai de l'avance sur l'horaire prévu, le temps est beau, l'appétit s'en
ressent: je dévore !
Armé
de nouvelles forces, je monte avec le sentier de grande randonnée GR 10
jusqu'à la hourquette d'Ossoue, fasciné par le couloir de Gaube et la
face Nord de la Pique Longue. Quelques promeneurs me cèdent le pas.
Très
vite, je dépasse le refuge en tonneau de Baysselance et me laisse
glisser vers le barrage d'Ossoue. Quelques minutes avant d'arriver, je
rencontre Catherine qui, sac au dos, espérait bien voir le refuge. Ce
sera pour une autre fois !
Avant
midi, nous cassons la croute à proximité du barrage d'Ossoue. Catherine
a repéré le campement vide de Jacques et Solange au-dessus de Gavarnie.
Les souvenirs se pressent et les langues ne chôment pas. Repas du soir
en commun et l'on se quitte pour aller dormir.
Le
beau temps sera-t'il toujours au rendez-vous de ces longues étapes ?